L’essor de la flemme au travail
15 décembre 2022Enquêtes nationales sur les Français et le travail
Cet article est publié en complément du dossier du nouveau numéro du magazine Interaction (#114 – Décembre 2022), consacré à l’évolution de la relation au travail. Retrouvez le dossier ici.
Les attentes des salariés ont profondément évolué depuis le Covid. Le goût de l’effort se serait émoussé et les Français auraient davantage de difficultés pour se motiver à travailler. La demande est forte aussi pour obtenir davantage de flexibilité pour s’organiser en mixant jours de présentiel et jours de télétravail.
D’après une enquête nationale menée par l’Association nationale des DRH en 2020 « Le travail hybride devient la norme et se stabiliserait autour de 2 jours par semaine en moyenne de télétravail de 2022 à 2025. » 56 % des DRH affirment par ailleurs que les salariés attendent plus de personnalisation dans l’organisation du travail avec 87 % des salariés qui veulent pouvoir télétravailler au moins un jour par semaine, 80 % souhaitant des horaires de travail au moins partiellement flexibles.
Des employeurs de plus en plus nombreux précisent dans leur offre d’emploi s’il est en télétravail ou pas. Le télétravail faisant de plus en plus partie du projet professionnel et personnel des postulants de travail.
Après les États-Unis, la France assiste à des taux de démission qui n’avaient jamais été atteints depuis quatorze ans. Entre fin 2021 et début 2022, on a enregistré près de 520 000 démissions par trimestre, dont 470 000 démissions de CDI. Le record précédent datait du premier trimestre 2008, avec 510 000 démissions dont 400 000 pour les seuls CDI. Ces nombreuses démissions s’expliquent d’abord par un effet de rattrapage, les mouvements ayant été gelés ou très fortement ralentis durant les confinements. Le dynamisme du marché du travail actuel, avec un assez faible taux de chômage, favorise également les démissions pour négocier de meilleures conditions de travail, de meilleurs salaires, un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Ces nombreuses démissions sont aussi le reflet d’un état de mal-être parmi les salariés français, qui disent – plus que la moyenne des actifs européens – être en manque de reconnaissance depuis plusieurs années déjà.
Vague de démissions
Mais selon la fondation Jean Jaurès et l’IFOP, qui ont sorti en novembre dernier une étude sur le rapport des Français au travail, cette vague de démissions s’inscrit dans une tendance déjà à l’œuvre préalablement. Durant la pandémie, près de 11 millions de salariés ont été mis en chômage partiel, période au cours de laquelle beaucoup se sont interrogés sur le sens de leur travail. Dans les secteurs peu rémunérés, où les contraintes horaires sont pesantes (travail en soirée, le week-end, en horaires décalés…) et où la pénibilité des tâches ou de l’environnement de travail est importante, toute une partie des salariés n’ont pas repris leur poste, entraînant des pénuries de main-d’œuvre dans l’hôtellerie-restauration, les services à la personne, ou bien encore le transport routier et le gardiennage.
La Covid-19 s’est également soldée par l’irruption du télétravail qui constitue un autre facteur de modification du rapport au travail.
Les actifs français aujourd’hui sont moins enclins à se donner corps et âme au travail et une forte minorité a clairement perdu en motivation. Depuis la crise sanitaire, si la majorité des actifs (51 %) affichent une motivation inchangée, 37 % se disent en effet moins motivés qu’avant dans leur travail. En 1990, 60 % des sondés répondaient que le travail était « très important » dans leur vie. Ils ne sont plus aujourd’hui que 24 % à faire cette réponse.
Pour le sociologue Jean Viard, « la qualité de vie au travail, la question du respect et le télétravail donnent au salarié un rapport d’égalité avec l’employeur et ont pris le pas sur le revenu. »
Enquête (Association nationale des DRH)
À retrouver en ligne :
https://www.andrh.fr/uploads/files/attachments/622b046587abf003039119.pdf
Enquête d’opinion (Fondation Jean Jaurès)
Mené en partenariat avec l’Ifop :
Le dossier d’Interaction
À retrouver dans le magazine #113 (Décembre 2022)
> Lire le dossier en ligne
> Lire le magazine complet
Article de Bénédicte Limon
Illustration d’Anne-Isabelle Ginisti